Avec les années qui passent, les rechutes qui s’enchainent, les syndromes de sevrage et les overdoses, on oublie avec la maladie les raisons initiales qui m’ont poussé vers les drogues. Les explications générales que l’on trouve dans les ouvrages académiques et grand public sont bien sûr valables, mais il y a aussi une dimension personnelle que j’aimerais préciser ici.
Je suis probablement ce que certain appellent une personne à haut potentiel. Je n’aime pas cette expression car elle me semble mal définie et utilisée de manière abusive comme s’il s’agissait d’une condition relativement positive. Après tout, qui refuserait de disposer d’un grand potentiel ? Cette expression pleine de fausses promesses couvre un mensonge, l’impossibilité pour le haut potentiel à passer à la haute réalisation, voire à la moindre réalisation. Il faudrait plutôt trouver une expression neurologique liée à la vitesse de fonctionnement des capacités cognitives, comme « syndrome de cognition rapide », ou « Dérèglement de vitesse synaptique », ou toute expression qui met en valeur de manière médicale la rapidité du fonctionnement cognitif, associée à un tableau clinique bien défini. A la recherche médical d’évoluer en la matière.

Pour ma part, j’ai toujours été très curieux, je me passionne aisément pour des sujets divers et variés, et les explore jusqu’à l’épuisement. J’ai ainsi développé des connaissances parcellaires dans de nombreux domaines, mais je ne dispose pas des diplômes qui attestent de ces connaissances. En termes plus classiques, je suis un autodidacte hyperactif en matière de connaissance. Nous pourrions aussi parler de boulimie cérébrale : le besoin irrépressible de remplir ma tête d’un maximum d’informations. Très jeune je développai un intérêt très vif pour l’actualité. Connaître les évènements qui marquent le monde m’intéresse et m’a toujours intéressé, jusqu’à récemment où cette boulimie d’actualité est venue alimenter ma dépression de manière beaucoup plus prononcée qu’auparavant, me forçant à mettre l’actualité en sourdine.

Nous pouvons classer mes passions dans l’ordre suivant :
Cela fait déjà un nombre important de « passions », de sujets dont l’intérêt me fait de lire et écouter des émissions de radio. Je suis un auditeur assidu de France Culture pour la qualité des invités qu’on y trouve dans les diverses émissions : des savants, des artistes, des penseurs de haut niveau qui aiment partager leurs connaissances et les rendre accessibles, lorsque c’est possible.

La conséquence de tout cela a été de remplir mon cerveau de trop d’informations. J’ai réponse à tout, me reproche-t-on parfois, et c’est vrai. J’ai une opinion sur beaucoup de sujets. Cependant, il y a un aspect négatif à cette cognition rapide et développée : la saturation. La dépression chez moi se caractérise d’ailleurs par l’envahissement d’un ennui généralisé et une perte d’intérêt pour tous ces sujets. A un certain moment, il y en a trop. Trop d’information, trop de pensées, trop de cogitations, trop de réflexions. L’enjeu de mon avenir va être d’apprendre à mieux gérer, sans drogues ou produits psychoactifs, cette condition médicale et cette structure de personnalité; qui rappelle également le syndrome d’Asperger.
La découverte contingente des produits psychoactifs, avec en premier lieu le cannabis, a été pour moi la découverte d’un moyen de ralentir mon cerveau. Et quel bonheur c’était que de pouvoir ainsi baisser le volume du bruit cérébral ! Progressivement, cette volonté de ralentissement s’est muée en volonté de tout effacer, de réinitialiser le cerveau, comme s’il s’agissait d’un vulgaire ordinateur. Bien sûr, le cerveau ne fonctionne pas comme cela. Et ce besoin existe encore aujourd’hui, même s’il est dissout dans la gravité clinique et les formes extrêmes prise par l’addiction comme maladie. D’ailleurs il y a un sujet auquel j’ai toujours refusé de mettre mes capacités en fonction : le domaine de recherche universitaire sur les addictions. J’ai pour ce blog l’ambition de combler ce vide, qui servait de déni de réalité sur la sévérité de mes symptômes. Enfin je vais lire des ouvrages sur les addictions et apprendre vraiment ce que la recherche en dit.

Réinitialiser mon cerveau ce serait tout remettre à zéro, tout en restant moi-même, un fantasme illusoire, irréalisable, mais qui demeure tapi dans le fond obscur du craving comme raison profonde. L’impression que « ça » va trop vite chez moi ne me quitte presque jamais et cela m’a causé des problèmes sociaux et relationnels. J’ai du mal à accepter que tout le monde ne fonctionne pas à la même vitesse, que mes pensées vont trop vite, même si j’arrive à les exprimer clairement. Dans cette pathologie de la vitesse cognitive il y a probablement une raison biologique, une configuration neurologique ignorée de la clinique. Mais la recherche avance et j’ai bon espoir qu’on trouvera un jour des solutions à cela. J’ai essayé la méditation de pleine conscience, mais seul et de manière trop dilettante pour qu’elle produise des effets bénéfiques. Voilà, en partie, ce qui motivait mes prises de produits. Aujourd’hui ce sont les produits qui motivent par eux-même leur propre consommation. J’apprécie le ralentissement cérébral, mais les conséquences biologiques de mes addictions sont devenues trop graves pour les ignorer plus longtemps et je vais devoir m’engager sur le terrain des cures de sevrage et de consolidation pour pouvoir aller mieux.



