Déconstruire les idées reçues sur les rechutes

Il est courant, et les addicts en font l’expérience, de considérer la rechute non seulement comme une dimension de l’addiction, mais aussi comme une étape du processus thérapeutique pour parvenir à l’abstinence. Dans ce contexte, il convient de déconstruire certaines idées reçues sur les rechutes.

FAUX. La rechute est un processus qui n’est pas soudain mais progressif. En réalité, la rechute commence lorsque l’on cède au craving, à cette envie irrépressible de consommer. Le véritable point de départ de la rechute c’est le moment où l’on commence à penser à la consommation, pour diverses raisons : suite à des stimuli déclencheurs, comme la rencontre de certaines personnes, la fréquentations de lieux associés à l’addiction. Pour rechuter, il faut souvent disposer des produits, c’est à dire se les procurer, ce qui, pour ma part, prend du temps.

Tout au long du processus qui conduit à la consommation, il est possible de l’interrompre, notamment en se rappelant des effets néfastes et autodestructeurs de l’addiction. Bien sûr, une simple rationalisation ne suffira pas à interrompre le processus, il faut savoir chercher de l’aide en amont de la rechute et même une fois la rechute déclenchée, afin d’en limiter les effets et de l’interrompre, ce qui est toujours possible. La meilleure prévention c’est apprendre à voir la probabilité de la rechute augmenter sur notre horizon des possibles et stopper la longue chaîne de décisions qui y conduit, non pas fatalement, mais progressivement. Du point de vue cognitif, il va d’agir de repérer les pensées permissives (par exemple : « Je ne vais consommer qu’une fois, car je ne suis plus addict ») ou les anticipations (« Je vais me sentir mieux grâce à ma consommation de produit psychoactif », ou encore les situations conflictuelles, les émotions négatives, la dépression, l’anxiété (« Je ne vais pas pouvoir faire face à cette situation sans consommer »).

FAUX. Cette affirmation n’a aucun fondement scientifique ou clinique. Malheureusement, la volonté ne suffit pas toujours à éviter les rechutes qui peuvent être le produit de nombreux facteurs, lesquels peuvent s’accumuler dans le temps. Pire, affirmer que la rechute est le produit d’un manque de volonté va culpabiliser l’addict et intensifier le cercle vicieux de l’addiction. L’addict risque de consommer encore davantage pour affronter ce sentiment de culpabilité qui l’accable. Ne pas se culpabiliser ni culpabiliser les autres est un principe de bienveillance et d’empathie qu’il nous faut cultiver. Faire la morale, punir et sanctionner la rechute est tout aussi contre-productif et inefficace.

PARTIELLEMENT FAUX. Cela va dépendre de la personne et des événements en question. Les événements négatifs de la vie peuvent contribuer au déclenchement d’une rechute, mais ne sont pas une fatalité ni une cause nécessaire et prévue d’avance. Grâce à l’accompagnement thérapeutique et à l’aide bienveillante des proches, un addict peut apprendre à repérer les moments à risque afin de prévenir et d’empêcher la rechute. L’avantage d’une psychothérapie, c’est qu’elle apprend à mieux se connaître et qu’elle peut agir préventivement contre le risque de rechute.

PARTIELLEMENT FAUX. Si elle peut avoir du sens pour certaines personnes, je considère cette expression populaire comme fausse et dangereuse, tout simplement parce qu’il n’y a pas de fond dans l’addiction, si ce n’est le suicide, ce que personne ne souhaite : ni l’addict, ni l’entourage. Si des pensées suicidaires arrivent, il faut immédiatement chercher de l’aide et prévenir tout risque de passage à l’acte. Une rechute n’est rien d’autre qu’une réitération de l’addiction. Tout le monde à le droit à l’erreur et personne ne devrait être puni pour souffrir ou chercher à éviter la souffrance par tous les moyens qui semblent possibles à un moment donné. Dans ce contexte, la psychoéducation peut aider l’entourage d’un addict à mieux comprendre les mécanismes de l’addiction et participer à la prévention de la rechute ou à la mise en place de dispositifs d’aide et de soutien.

FAUX. Il existe de nombreuses personnes qui arrivent à maintenir une abstinence sans rechuter après une addiction. Cependant, plus une addiction a duré, plus le risque de rechute après une première période d’abstinence est élevé, car l’addiction modifie en profondeur certaines structures cérébrales. En outre, chacun est différent, et certaines personnes ont besoin de temps et d’être accompagnées dans la durée.

6/ Une rechute est synonyme d’échec

PARTIELLEMENT FAUX. Concrètement, la rechute signe la fin d’une période d’abstinence. Il peut donc être tentant de la considérer comme un échec. Cependant, dans un processus thérapeutique, la rechute peut servir de tremplin vers une abstinence plus durable et plus solide. Elle est l’occasion d’en apprendre davantage sur l’addiction et de mieux discerner ses mécanismes. Bien sûr qu’une rechute est décevante et peut générer un sentiment d’échec, tant pour l’addict que pour son entourage, mais la rechute n’est pas une fatalité. Il faut parfois plusieurs tentatives avant de parvenir à une abstinence pérenne, il n’y a aucune honte à cela. Ce qu’il faut retenir, c’est que se sortir d’une addiction prend du temps et est un processus couteux. Quoiqu’il arrive, il ne faut pas abandonner l’objectif que l’on s’est fixé.

FAUX. Chaque rechute est unique et on ne perds pas les acquis thérapeutiques parce qu’on rechute. On ne recommence donc pas à zéro, mais on continue d’apprendre et de progresser. Le traitement des addictions, comme de nombreuses maladies et psychopathologies n’est pas linéaire, il connaît peut être cyclique et parsemé d’embûches. Au risque de se répéter, il faut se donner du temps, se faire aider par des personnes compétentes, et ne pas abandonner le processus thérapeutique.

Source qui a contribué à l’écriture de cet article : Chiron, C., Guilbaud, E., Chauchard, E., Gaillard, M., Naudin, C. (2022). Addictions : prévenir la rechute: Programme en 10 séances. De Boeck Supérieur.

Retour en haut