De la veille à l’éveil

L’addict en moi ne s’endort jamais, il sommeille, à demi éveillé, prêt à remballer pour une session d’autodestruction par le plaisir des illusions doucereuses des produits. L’abstinence n’est pas une guérison, c’est un état de veille. Ce n’est pas un état d’urgence. Il correspond à ces détecteurs de fumée, sensibles à quelques vapeurs discrètes qui indiquent le début d’un grave incendie, et qui figurent sur le plafond blanc de nos maisons. La tentation, ma tentation, se trouve au bout de quelques clics. Facile lorsque les objets connectés ont envahi notre quotidien. Quelques bitcoins et s’en est fini de l’abstinence. Quelques clics et une commande en ligne est passée. Cela ne se passe même pas sur le dark web. C’est accessible à tous. Les vendeurs de plaisir nous créent même des comptes client. Plus on passe de commandes, plus on accumule des cadeaux chimiques, des points transformables en réductions, des échantillons gratuits de substances non encore achetées ni consommées.

C’est le capitalisme dans son plus extrême fantasme. L’addict est en effet le client idéal, celui qui est prêt à tout sacrifier, sa famille, ses amis, son argent, son travail, ses études, à sa consommation. Nulle surprise dès lors, dans une économie où la publicité exacerbe sans cesse nos désirs les plus variés, que les cas d’addictions augmentent, et les dégâts qu’ils causent avec. Le rêve, l’idéal, à portée de main, mais jamais seul, c’est de transformer l’abstinence en patience. Les moments de mal-être, de souffrance, d’échec nous arrivent et nous arriveront à tous et toutes. Pour l’addict, il faut apprendre, lentement et patiemment, à répondre autrement à la souffrance. Même pour ceux d’entre nous qui sont dépressifs, cyclothymiques, bipolaires, borderlines, psychotiques et autres, où la souffrance jaillit de l’intérieur, d’une source mal ou non identifiée, il faut garder espoir et tenir la barre de l’embarcation qui défie la houle imprévisible de l’existence !

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