Du 21 septembre 2021 au mois d’octobre 2023, j’étais dans un état d’abstinence, c’est à dire toujours addict, mais sans aucune consommation de substances psychoactives propre à l’addiction. Maintenant que je retrouve progressivement l’état d’abstinence, je peux commencer à faire le point sur cette rechute qui sans nulle doute fut la pire de mon histoire personnelle.
Il y a un effet important à connaître sur les premières rechutes après une longue période d’abstinence : on a tendance à reprendre les produits selon les dosages que l’on prenait lorsqu’on les a arrêté, ce qui est un déni du phénomène de tolérance. Or le corps s’est remis entre-temps de cette tolérance, et ces dosages peuvent s’avérer mortels.
Des causes multiples
Cette rechute s’est mise en place de manière sournoise et multifactorielle. La chronologie exacte des événements m’échappe à cause des substances dont j’ai abusé, elle est donc à considérer plus dans l’ordre des événements que dans leur datation exacte, impossible 6 mois plus tard. Première cause : au mois de septembre, j’étais dans une démarche de réduction très progressive de l’alprazolam, anxiolytique de la famille des benzodiazépines, très addictif et dont j’ai abondamment abusé par le passé. Cette réduction de l’alprazolam me soumettait à un stress non pas physique mais psychique. J’avais peur de vivre sans ce médicament qui m’a apporté de la stabilité pendant mes deux années d’abstinence. Pourtant elle semblait nécessaire d’après mon médecin généraliste, car les nouvelles directives concernant ce médicament préconisent des traitements courts uniquement, sauf peut-être, dans le domaine sinistré de la psychiatrie (en manque de moyens). C’est en effet mon médecin généraliste qui remplit le rôle d’un psychiatre car en deux ans d’appels à l’ensemble de la vingtaine de psychiatre de ma ville, aucun ne prend de nouveaux patients.

Seconde cause : une overdose au Tercian, un neuroleptique. C’est un fait rare et peu rapporté dans les recherches scientifiques car ce médicament est d’habitude bien toléré. Un vendredi après midi, déprimé, anxieux, je pris 6 comprimés de 0.25 mg, une dose considérée comme non toxique par le Vidal, l’ouvrage de référence en matière de pharmacologie pour les médecins. Ma réaction à ce dosage fut une forte tachycardie, un essoufflement, une respirations très saccadée, beaucoup d’angoisse et un symptôme étrange appelé l’akathisie. Après quelques heures dans cet état, j’appelai le 15, où j’ai fini par avoir un médecin qui m’a raccroché au nez, m’accusant de ma propre souffrance, et disant, je cite « je ne peux pas vous faire dormir à coup de marteau« . Ce n’était pas très professionnel et cela m’a choqué. Je considère cela comme une violation de l’obligation de soin qu’ont les médecins, quelle que soit la cause de la souffrance.

Troisième cause : après trois jours de symptômes d’overdose au Tercian, je me rendis en pharmacie pour renouveler mon ordonnance et je pris l’ensemble de la dose prescrite d’alprazolam en seulement deux jours au lieu d’un mois. Je ressenti un tel effet de bien-être, en contraste si violent avec ce que j’avais ressenti les jours précédents, que sous l’influence de l’alprazolam, je commandai des drogues par internet, à livrer dans une boîte postale éloignée de mon domicile. Il y avait dans cette commande de drogue du Tramadol, un médicament à base d’opioïde de synthèse très puissant, des opioïdes plus légers en e-liquide pour cigarette électronique et des benzodiazépines. Une partie de ma commande a été saisie par le service des douanes (le bromazolam, benzodiazépine de synthèse).

C’est ainsi que commença la rechute, à coup de tramadol. J’ai apprécié les effets de ce médicament mais sans plus. Il procurait bien un sentiment de bien-être, de chaleur intérieur, mais il provoquait aussi un déséquilibre difficile à gérer. Lassé par ses effets, je me débarrassai rapidement des pilules achetées. Par contre j’adhérai aux opioïdes de synthèse par e-liquide qui eurent des effets très légers comparés au tramadol. Il m’était possible d’en prendre sans que cela ne se sache vis-à-vis de mes proches, tant que je conservais un dosage faible.
Pour mieux saisir toutes les conséquences de ma rechute, vous pouvez lire les autres articles de ce blog rassemblés sous la rubrique « carnet de rechute«
Une fin catastrophique
Un évènement symbolique très marquant m’est arrivé durant cette rechute : j’ai chuté physiquement sur le sol, en faisant une hyperflexion rotative de mon genou gauche. Cela a brisé mes ligaments croisés. Il se trouve que ce jour là, je souhaitais me rendre à ma boîte postale pour récupérer une nouvelle commande de produits. La chute eut lieu sur une toute petite descente d’herbe mouillée par la pluie, probablement à cause de mon empressement à rejoindre ma voiture. Voilà une belle si ce n’est grave somatisation de la rechute addictologique en chute physique. Je passai donc le reste de ma journée au service d’urgence de la clinique privée la plus proche et dû faire une vingtaine de séances de kinésithérapie pour rééduquer mon genou. Il se trouve que n’étant pas sportif de haut niveau, une opération chirurgicale pour réparer les ligaments croisés a été exclue en accord avec le chirurgien et le kiné.

La fin de ma rechute peut se lire dans plusieurs articles précédemment publiés : Quand ma mère m’a cru mort, Overdose de Valium, et Le chaos infernal des urgence en panique. Ces articles donnent un aperçu des situations types dans lesquelles je me suis retrouvé dernièrement. Entre la fin de la rechute et son début, des événements divers et moins graves se sont également produits, j’en ferai peut-être des articles ultérieurs.


