Voici une citation de l’ouvrage « Addiction et psychiatrie » de Michel Reynaud, paru aux éditions Masson, en 2005. page 17 & 18

La citation :
Rappelons que la revue Science, la plus prestigieuse des revues scientifiques, titrait déjà en 1997 : « Addiction is a brain disease« . L’addiction est une maladie du cerveau : position un peu extrême voire provocatrice pour qui connaît la complexité des interactions entre le produit, le sujet, et l’environnement. Elle a l’avantage considérable de mettre à distance les représentations morales qui viennent en permanence interférer lorsque l’on réfléchit à ces questions. Cette notion, qui a été reprise depuis dans de nombreux éditoriaux de revues médicales, présente l’énorme avantage d’objectiver le fait que lorsqu’on est addict, le cerveau ne fonctionne pas selon la norme. Il ne s’agit pas là d’une question de volonté mais bien d’une altération des mécanismes cérébraux qui explique le comportement des patients et la difficulté qu’ils ont à contrôler leurs comportements de consommation, et que nous avons à les traiter : leurs mécanismes de régulation intimes, neurobiologiques sont clairement réorganisés de façon pathologique. Les mécanismes altérés sont des mécanismes vitaux primordiaux : ceux de la gestion du plaisir et de la souffrance et ceux de la gestion des émotions.
Commentaire personnel :
J’apprécie cette citation car comme indiqué ci-dessus, il s’agit de mettre à distance les enjeux moraux. Si l’on aborde l’addiction d’un point de vue moral, en terme de bien et de mal, on finira par culpabiliser le patient de sa propre maladie, ce qu’il faut à mon sens à tout prix éviter de faire. Bien sûr cela est rendu difficile par l’intervention centrale du comportement de l’addict, près à toute sorte de stratagèmes et de mensonges pour protéger sa consommation. Mais pour les professionnels autant que pour les familles, il faut vraiment éviter la culpabilisation : elle aggrave le mal et peut être extrêmement mal vécue. On ne guérit pas une addiction par des explications rationnelles à l’addict sur son comportement, même si de la psycho-éducation semble nécessaire dans le panel d’outils à dispositions des professionnels pour soigner l’addict. Plutôt que de parler de faute, il semble plus sain de parler d’erreur. Une erreur peut être aussi forte qu’une faute, sauf qu’elle est corrigible, on peut apprendre d’elle, on peut en faire la base d’une certaine force lorsque l’on est résilient.


