Les addicts ne sont pas faciles à vivre, bien au contraire, ils peuvent vous pourrir le quotidien, comme je le fais moi-même à intervalles réguliers dans ma famille. Dès lors, et cet article sera mis à jour au fil de mes apprentissages en la matière, voici quelques vérités simples à savoir sur les addicts, tout particulièrement pour les familles.

L’addict ment, sous condition
Comme il est prêt à tout pour protéger l’objet de son addiction, l’addict, et souvent à l’encontre de son système de croyance moral ou religieux, a recours au mensonge. C’est un mensonge conditionnel et circonscrit au champ de sa maladie. Pour pouvoir continuer à consommer ses produits ou son activité l’addict aura recours à presque tous les moyens en son pouvoir. Le mensonge est l’un de ces moyens. N’attendez pas de l’addict une franchise transparente et parfaite en ce qui concerne son addiction. Elle est possible, mais bien davantage devant un psychologue ou un travailleur social que devant sa famille. Cela peut créer de nombreuses situations conflictuelles, lesquelles ne doivent pas dégénérer, c’est à dire franchir des limites au delà desquelles il n’est plus possible de se retrouver. Il faut pardonner. Pardonner à l’addict ses mensonges est dur, douloureux, mais nécessaire. Car le mensonge est bien souvent une émanation de la maladie et non de la personne atteinte de cette maladie. C’est difficile car cela demande de faire la distinction entre la personne et la maladie. Oui, nous sommes à la fois des être uniques et multiples. Il y a chez l’humain des côtés, des bons côtés, des mauvais côtés, des côtés joyeux, des côtés tristes, des côtés lumineux, des côtés sombres mais surtout, des côtés. Et l’un des côtés des addicts est le mensonge concernant l’objet de leur addiction. Bien sûr, ce mensonge est en pleine puissance lors des rechutes et disparaît lors des périodes d’abstinence, comme un torrent de montagne tributaire de la météo psychologique et du glacier d’émotions qui le nourrit des hauteurs de l’hypothalamus. Pardonner le mensonge des addicts fait partie de la bienveillance dont il est question dans cet article du blog. Le mensonge de l’addict est facilement reconnu par certains, car il fait partie de ce « c’est plus fort que moi » dont il souffre tant. Pardonner le mensonge permet d’ouverture d’un espace de dialogue sur ses raisons et dès lors, rend les mensonges futurs plus difficiles, car plus aisément détectables par les proches. Si à l’inverse la réponse de la famille c’est la colère, alors l’addict le vivra comme une injustice due à l’addiction, ressentira une forte douleur psychique, et se dirigera directement vers ses produits pour une rechute instantanée. Il faut accueillir le mensonge comme une information, et nouer le dialogue. La répression ne sert à rien, les menaces sont dangereuses et les représailles sont une mise en danger de l’addict dans son intimité la plus chère.

L’addict se cache, même en pleine lumière
Se cacher est une triste compétence acquise par de nombreux addicts. En effet, les comportements liés à l’addiction ne sont pas tolérés ni tolérables dans une société en paix. La majorité des drogues, à l’exception des psychédéliques (LSD, Champignons, Ayahuasca, Mescaline…etc.) peuvent être consommées dans des situations sociales ordinaires comme au travail, à l’école, en vacances. J’ai déjà moi-même expérimenté la dissimulation en pharmacie pour obtenir de la codéine (voir cet article), la dissimulation au travail (codéine), la dissimulation en cours (cannabis à l’université), la dissimulation en famille (diverses substances). Là aussi, le produit était plus fort que moi. La dissimulation met l’addict dans une position très inconfortable, car il n’est pas facile de dissimuler toutes les addictions. Il faut imaginer des stratagèmes, des excuses en cas de prise en flagrant délit, des sécurités pour limiter les risques d’être pris. Et lorsque l’on est pris sur le fait, le cerveau travaille à toute allure pour trouver des excuses qui doivent être valables à la fois sur le moment et pour le long terme. Ce n’est pas évident, c’est même éprouvant.
A l’inverse de la dissimulation, il existe un véritable soulagement à pouvoir dire la vérité. C’est ce que permettent les psychologues et les travailleurs sociaux, et parfois, s’ils ont le temps, les médecins. La relation thérapeutique devient dès lors très précieuse et il faut la protéger à tout prix, bien plus que l’objet de l’addiction. Si quelqu’un vient perturber cette relation thérapeutique, par exemple des parents qui prennent contact avec un psychologue pour dévoiler des informations non mentionnées par son patient, c’est une expérience émotionnelle de trahison très importante pour l’addict. Il faut tout faire pour protéger la relation thérapeutique. La famille peut légitimement se sentir exclue de ce processus. On peut la rassurer en expliquant comment fonctionne la thérapie et l’inclure par des séances familiales dédiées. Autre problème pour les familles : le temps. Les addictions demandent, pour obtenir une abstinence solide, une prise en charge durable. C’est un aspect très important du traitement des addictions, lequel doit être défendu et qui vaut qu’on milite pour le maintenir face à l’arrivée de thérapies courtes qui promettent plus qu’elles ne sont capables de délivrer sur le long terme.
L’addict rechutera
Ce n’est pas un aveu d’échec, ni un abandon de tout effort thérapeutique, mais il est quasi certain, sauf certains cas exceptionnels, qu’un addict, quel que soit sont âge, son origine, sa condition sociale, rechutera un jour. Tout simplement parce qu’il y a des moments dans la vie, comme les périodes de deuil, des traumatismes, des pertes, des violences, des accidents, qui soumettent l’abstinent à tester ses limites et parfois, hélas, à les faire s’écrouler. La rechute peut être petite, moyenne ou grande. Ce qui compte c’est que l’addict abstinent a appris à se sortir des rechutes. Il comprend qu’elles sont cycliques, qu’elles ont leur propre temporalité et avec de l’expérience, il sait qu’il s’en sortira à nouveau.
Voilà la dure réalité de l’addiction pour les familles. C’est douloureux, ça implique son lot de disputes, de pleurs, de violences verbales et, nous le souhaitons à personne, de violences physiques. On ne traite pas l’addiction comme une maladie guérissable. A l’heure actuelle, c’est une maladie incurable, qui peut être mise en sommeil. Le meilleur état que peut atteindre l’addict c’est l’abstinence, et abstinent, on peut mener une belle vie, pleine d’aventures, de joies, de voyages, de rencontres. Je souhaite à tous les addicts et à leur famille de tenir bon, d’avoir le courage d’être forts dans la tempête et la liberté d’être heureux dans les périodes de calme.
L’aide pour les familles
Une seule solution, ne pas rester seul. Sortez. Ne restez pas observateurs face à l’addiction de vos proches. Ne demandez pas aux malades la solution pour guérir leur maladie ; ça m’est arrivé et j’étais éberlué : ça n’arrive pas pour les autres maladies. Je ne suis ni docteur, ni psychologue, ni éducateur, je n’ai pas la solution pour m’aider en en dehors de la prise en charge pourtant très complète en CSAPA dont je bénéficie. Il existe des associations, des activités, des lieux de rencontre partout en France. Vous n’êtes pas seuls, mais pour vous en apercevoir, il faut sortir de chez soi !


