Les affranchis, Addictions et clinique contemporaine – Thierry Roth

Voici ma note de lecture pour l’ouvrage Les affranchis, addictions et clinique contemporaine, Thierry Roth, édition Erès, coll. Humus, 2020

Voilà une lecture intéressante, qui propose d’étudier la clinique des addictions du point de vue d’un psychanalyste lacanien. Écris dans un langage clair et fluide, il permet de se familiariser avec l’approche inspirée de la psychanalyse de Lacan de la problématique des addictions. On regrettera que certains concepts psychanalytiques lacaniens comme le « Nom-du-Père », la « forclusion », l’objet « a », le « nœud borroméen », le triptyque « Réel-Symbolique-Imaginaire » ou freudien comme « la castration » ne soient pas définis, ce qui faciliterait la lecture au béotien en la matière, comme c’est mon cas. Mis à part ce point, le livre tente quelque chose d’intéressant : démontrer la pertinence de l’approche psychanalytique lacanienne dans la prise en charge psychothérapeutique des addictions à notre époque. L’auteur a travaillé dans un CSAPA (Centre de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) et a donc été confronté directement aux addicts et à leurs problématiques psychiques. On retrouvera la discussion qui traverse et dérange aussi les psychanalystes dans leur structuralisme : faut-il faire de l’addiction une nouvelle structure psychique ou reconnaître qu’elle dépasse la nosographie traditionnelle (psychose, perversion, névrose) en concernant précisément toutes les structures psychiques. Quid aussi de la notion d’état-limite, discutée dans l’ouvrage. In fine, l’auteur réussit sa tentative, mais au prix d’une relative obscurité qui par moment, rend la lecture un peu nébuleuse.

Voici un extrait, pages 81 et 82 :

« Il est évident que l’addiction prend l’allure d’un comportement, d’un agir, d’une conduite. Cependant, au même titre que pour d’autres types de patients affranchis du Nom-du-Père, certains addicts nous questionnent sur des changements plus structuraux, bien au-delà du « comportemental ». Si nous avons rappelé les spécificités des addictions au sein d’une névrose de transfert, d’une psychose ou d’une perversion, c’est pour mieux nous intéresser à ces autres types de cas liés à notre nouvelle économie psychique, pour lesquels nous avons déjà décrit un certain nombre d’invariants : la jouissance objectale plutôt que la jouissance phallique ; la jouissance plutôt que le désir ; l’objet préhensible, positivé, plutôt que psychique ; la présentation de l’objet plutôt que sa représentation ; l’agir plutôt que le discours ; la domination de l’image sur la parole ; l’anesthésie contre l’intensité pulsionnelle plutôt que le refoulement ; l’excès de jouissance plutôt que sa répression ; le lien duel à l’Autre maternel plutôt que la triangulation liée à la fonction paternelle ; la mise à mal des lois du langage plutôt que leur pris en compte… »

Extrait pages 88 et 89 :

« C’est depuis le réel que le plus souvent ces nouveaux sujets trouvent leurs limites, leurs heurts, et donc éventuellement leurs repères, et l’analyste aura pour tâche – comme toujours mais différemment – d’aider son patient à nouer réel, symbolique et imaginaire. Nouer, donc, à travers la parole et le transfert dans la cure, ce réel qui déborde, bouscule, stoppe, angoisse… Le nouer avec le symbolique et l’imaginaire, pour faire tenir ce fameux nœud borroméen à trois dans lequel des « néo-sujets » semblent souvent plongés. Cela implique de rechercher le fantasme et le désir singuliers du sujet, plus ou moins étouffés par l’offre de jouissance, mais sans retrouver forcément la névrotisation habituelle, à savoir cet accrochage au quatrième rond du nœud borroméen, celui du Nom-du-Père ou du symptôme, précisément. Il s’agit donc d’appréhender les lois du langage sans en repasser par la question du Nom-du Père… C’est l’un des enjeux majeurs de la psychanalyse du XXIe siècle ! »

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