Les dépendances dans ma vie

Ma vie est structurée autour de dépendances que l’addiction vient pathologiser avec force. Dépendance matérielle, affective, addictive, je cumule l’impossibilité d’accéder à une forme d’indépendance à laquelle serait associée une forme de liberté adulte et mature. Je vis parfois ces situations de dépendance comme un emprisonnement qui nuit à ma liberté, tout en reconnaissant le caractère psychopathologique de cette situation.

La dépendance affective

Dans mes deux relations de couple (la première de 17 à 19 ans, la seconde de 21 à 31 ans), j’ai été dans un schéma de dépendance affective. Je ne pouvais pas me passer de l’autre, non pas seulement par amour, mais par besoin. Mon style d’attachement peut être qualifié d’ambivalent avec l’alternance d’une peur de la perte de l’autre et un sentiment d’étouffement généré par la présence de l’autre. Je n’ai pu me sortir des dépendances affectives dans mes relations de couple qu’en mettant fin à la relation, avec regret pour la seconde, même si le deuil de cette relation est fait. Ainsi je me retrouve célibataire, sans exclure des relations futures plus matures à l’avenir.

Je suis aussi dans une relation de dépendance affective vis-à-vis de ma mère, qui prend soin de moi et me protège depuis l’enfance. Je lui suis immensément reconnaissant de ne m’avoir jamais lâché ni exclu, d’avoir toujours assuré une présence protectrice, en particulier dans les moments de grande souffrance. Je sais aussi qu’il me faudra un jour prendre de la distance, même si à court terme, c’est impossible.

La dépendance matérielle

Jusqu’aux études, elle est normale, on dépend matériellement de ses parents pour vivre. Ensuite, j’ai vécu avec les bourses étudiantes et une pension alimentaire versée par mon père, qui s’est étendue au delà de mes études, durant ma vie en Mongolie entre 2012 et 2015. Au retour en France, je reviens habiter chez ma mère. La seule période d’indépendance matérielle correspond à ma période d’exercice professionnel en entreprise entre 2015 et 2017 : un emploi d’un an comme chargé de mission dans le domaine du transport urbain (systèmes informatiques embarqués) puis un second emploi comme chef de projet web et mobile dans une grande entreprise. S’en est suivi une longue période de chômage durant laquelle ma consommation de produits psychoactifs a fortement augmenté. J’ai tenté de me former en autodidacte au développement web mais le seul emploi que j’ai trouvé s’est terminé par une démission durant la période d’essai, à l’issue de laquelle je retrouvai mes allocations chômages. C’était avant les réformes gouvernementales qui ont restreint les droits des chômeurs. De retour au domicile maternel, je suis de nouveau en situation de dépendance matérielle, et sans projet concret pour l’avenir, du moins, tant qu’une abstinence solide et durable ne sera pas mise en place.

La dépendance addictive

Elle s’est mise en place dès l’âge de 20 ans et ne m’a jamais quitté depuis (voir mon article sur la chronologie de mes addictions). Cette dépendance est maladive, elle vient dépasser toutes les autres en intensité tout en les entretenant. L’addiction signifie une emprise du produit sur moi, autant que l’illusion d’une emprise de ma part sur le produit. Parce que l’addiction, sur le long terme, devient une sorte de mode de vie psychique et la réponse à toute difficulté se présentant à moi, elle est la dépendance la plus dure. La succession des rechutes, l’alternance des overdoses et des sevrages forcés témoigne de la violence de la maladie. Je n’en suis pas encore sorti mais j’ai noué une solide alliance thérapeutique avec le CSAPA qui me prend en charge. Là aussi une forme de dépendance à l’équipe de suivi pluridisciplinaire s’est mise en place, par nécessité.

Le mythe de l’indépendance

L’indépendance absolue est une illusion. Personne ne peut subvenir à ses besoins dans une autosuffisance totale. Nous vivons davantage dans un monde d’interdépendances où pour faire son chemin, il faut savoir s’insérer dans le tissu social qui permet de disposer de suffisamment d’argent pour vivre, tout en vendant notre force de travail à un employeur par contrainte. Néanmoins l’indépendance au sens commun me semble à fois inaccessible et nécessaire pour mon autonomie, notamment financière. A l’heure actuelle, ma dernière rechute a détruit mon projet de reprise d’études en droit et je n’envisage pas de refaire une tentative de ce côté là. Trouver un emploi qui me correspondra, qui aura du sens pour moi tout en subvenant à mes besoins sera une tâche difficile. Mon parcours atypique se retrouve dans mon CV, et n’est pas facile à vendre à un employeur potentiel. Mais chaque chose en son temps. Mon hébergement au domicile parental, quoique temporaire sur le long terme, n’a pas de date d’expiration. J’ai cette chance de pouvoir me soigner tout en n’étant pas condamné à vivre dans la rue, chance qu’il me faut saisir, malgré l’immense difficulté représenté par l’accession à une abstinence de long terme. J’ai 34 ans et je suis toujours dépendant. Mais la vie est encore longue et je crois en ma possibilité de réussir dans une société qui traite mal les inadaptés, les handicapés, les malades chroniques, les atypiques. L’esprit de compétition qui traverse le monde du travail me déplaît fortement. Je rêve d’une société d’entraide et je tiens particulièrement à la défense de nos services publics, qui sont la seule richesse des pauvres.

Retour en haut