Mon expérience des cannabinoïdes de synthèse

Je vous propose ici un retour d’expérience qui a pour moi valeur d’introspection synthétique sur ma consommation addictive de cannabinoïdes de synthèse entre 2017 et 2021.

Un produit surpuissant

Il faut tout d’abord mettre en garde le lecteur, les cannabinoïdes de synthèse sont beaucoup plus puissants que le cannabis traditionnel car ils sont chimiquement purs et fabriqués dans des laboratoires à la localisation mystérieuse. Consommés en vapotage avec une cigarette électronique, ces substances provoquent un puissant effet de relaxation, une forme d’immobilisation du corps, et une forte altération de la conscience. J’ai également fait l’expérience de petites hallucinations et de la synesthésie. D’autres effets comme les compulsions alimentaires et une forme de paranoïa se rapprochent du cannabis classique. Il semble aussi qu’une forme de tolérance se développe au fil des années. La recherche sur ces produits démontre que certaines personnes en sont mortes. Alors que je suis plutôt favorable à la légalisation du cannabis, comme développé dans cet article, je serais ici plutôt favorable à la prohibition de ces substances, et d’une manière générale des Nouveaux Produits de Synthèse (NPS), du moins tant que la science n’aura pas eu le temps de déterminer les conséquences à court et long terme de leur usage et de leur abus.

Cigarette électronique
L’instrument de mon addiction aux cannabinoïdes de synthèse

Un rituel inlassable

Ma consommation se faisait toujours de la même manière : je cumulais le vapotage des cannabinoïdes au visionnage de séries télévisées sur des plateformes de streaming, ou tout simplement en écoutant de la musique. Cette consommation a commencé par des doses plutôt petites et restreintes aux soirées, avant d’engloutir dans le tourbillon de l’addiction l’ensemble de mes journées. Je recevais le produit directement dans ma boîte au lettre et le payais systématiquement en bitcoin sur des sites internet accessibles à tous et toutes. Le craving généré par les cannabinoïdes est sans doute le plus fort que j’ai connu, parmi toutes les substances que j’ai consommé. Notons aussi que depuis mon arrêt en 2021, ma mémoire des années de consommation semble fortement altéré. Les effets ne sont donc pas sans conséquences à long terme sur le cerveau, même si grâce à l’abstinence et mon suivi en CSAPA, j’ai pu récupérer toutes mes capacités cognitives. J’ai tenté dans la rechute de 2023 d’en consommer à nouveau, mais le produit acheté et reçu ne semblait produire aucun effet en vapotage, alors qu’il s’est démontré très dangereux par la voie sublinguale (voir cet article).

Séries tv, cannabinoïdes et musique, l’addiction sans limites

Une addiction sévère

Je développai une addiction sévère à ces produits. J’utilise d’ailleurs le pluriel car il existe plusieurs cannabinoïdes de synthèses, aux effets similaires, les différences étant marginales. La possibilité de choisir son cannabinoïde sur des sites internet qui sont de véritables supermarchés de drogues synthétiques participe de leur attrait commercial. Le vapotage permettait en outre une facilité de consommation et l’illusion d’une sécurité sanitaire qui relevait du déni. Si la cigarette électronique enlève bien les effets délétères de la combustion qu’on trouve dans la cigarette et le joint classique, les produits que l’on consomme avec, outre la nicotine, ne sont pas sécures pour autant.

L’addiction a ravagé ma vie : impossibilité de retrouver du travail, divorce, isolement, accentuation de mes troubles psychiques, dépression, anxiété, c’est devenue une maladie chronique à part entière que je dois encore traiter et soigner. Mon message est simple : ne touchez jamais à ces produits. Le plaisir ressenti vous endette envers la réalité qui vous le fera payer très cher. De plus, le sevrage aux cannabinoïdes est très douloureux : sueurs, bouffées de chaleur, céphalées, vomissements, tremblements, troubles gastriques, troubles de l’humeur. Le prix à payer est trop cher et je ne souhaite plus jamais revivre ça. C’en est donc fini avec ces produits là, mais gare aux rechutes. On sait que l’addiction est une maladie sournoise et actuellement, accros aux opioïdes de synthèse, je ne m’en suis toujours pas extirpé. J’attends une prise en charge médicale en clinique pour pouvoir m’en sortir. Heureusement, je suis accompagné et soutenu, et mes chances de parvenir à une abstinence de long terme sont réelles et crédibles.

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