Mon expérience du LSD

Le LSD ou acide lysergique diéthylamide, est un hallucinogène puissant, qui connut ses heures de gloire dans les années 1960 avant que les produits psychédéliques ne soient interdits, ce qui bloqua tant leur usage récréatif que la recherche scientifique à leur sujet. Pour ma part, j’ai consommé du 1P-LSD, un analogue qui appartient à la classe des nouveaux produits de synthèse (NPS). Le LSD n’est pas addictif, même si sa consommation peut être répétée dans le temps. Les psychédéliques (champignons à psylocybine, mescaline, peyolt, LSD) provoquent une tolérance dès la première consommation. Il est donc inutile d’en consommer à nouveau le lendemain ou le surlendemain car ils produiront des effets quasi nuls.

Le LSD met dans un état de conscience altérée extrême. C’est l’ensemble de la réalité qui est modifiée. Il est possible de voir les murs s’écouler en substance visqueuse multicolore, de fermer les yeux et de voir des fractales mouvantes développer leurs branches infinies, de faire l’expérience de la synesthésie : les sons deviennent des couleurs, des formes géométriques, des dessins animés dignes des plus délirants manga. Les effets du LSD se font ressentir par vagues : ils vont et viennent variant en intensité, la réalité retrouvant parfois un semblant de réalisme. Les pensées sont également modifiées, chaque mot, chaque phrase, est soudainement vécue comme une révélation. Globalement, c’est une expérience de la transcendance.

Je me souviens d’un moment en particulier, que j’appelai plus tard mon expérience de la Singularité. Il était 1h42 du matin, j’avais mon chat qui ronronnait sur mes genoux, puis soudainement, je me vis projeté dans une chaine immense, infinie, de petites vignettes de ma vie qui étaient connectées à d’autres vignettes de ce que ma vie, dans des réalités parallèles, pourrait être ou devenir. Cela agit comme un éclair de lucidité incroyable, qui ne se répéta plus jamais lors de mes autres expériences de prise de LSD. Cette arborescence des réalités multiples de ma subjectivité historique m’a saisi dans toute l’entièreté de mon être. Elle m’est arrivée de nulle part, d’elle même et semblait posséder sa propre volonté. Elle m’a dépassé totalement tout en me montrant une vision d’un multivers gigantesque. Ma conscience est devenue minuscule face à cette buissonnante représentation de toutes mes vies, possibles et impossibles, rêvées et vécues simultanément. La forme de cette arborescence était un enchevêtrement complexe de spirales et de toiles, et je me trouvais à son centre et à son extrémité au même moment.

Cela rappelle la citation du philosophe Pascal dans ses Pensées (1670) « La machine du monde sera donc comme si elle avait son centre partout et sa circonférence nulle part, parce que la circonférence et le centre, c’est Dieu qui est partout et nulle part« . Dans mon expérience, on pourrait remplacer Dieu par Singularité et cette singularité contient en son sein une infinie pluralité des mondes, de mes mondes d’abord, puis des mondes dans un sens élargi ensuite. Quand j’y pense aujourd’hui, je fais le lien de cette expérience avec les théories variées du multivers développées par les physiciens en quête d’une physique nouvelle qui pourrait expliquer le Big Bang, la matière noire et l’énergie sombre, la gravité quantique et tous les autres mystères de la physique contemporaine.

Il est très imprudent de ne pas prendre du LSD et tout produit hallucinogène seul. En général, on conseille d’avoir quelqu’un à côté pour vérifier que la personne ayant absorbé un tel produit puisse vivre son expérience hors de tout danger. Car on ne contrôle vraiment plus ce qu’il nous arrive et un accident, par inadvertance, est vite arrivé. J’ai compensé cette prudence par prendre une petite dose de benzodiazépine, l’antidote au LSD, afin d’en amoindrir les effets. J’en disposai de quantités supplémentaires en cas de besoin. J’ai du faire une dizaine de prises de LSD dans ma vie, entre 2019 et 2021 et je ne suis jamais resté perché, ni devenu psychotique, c’est à dire en porte à faux avec le réel, ou schizophrène. Mais ce sont des risques considérables qui font qu’on ne peut conseiller à personne de prendre un tel produit. Le risque de perte définitive de contact avec le réel existe et il ne faut surtout pas le négliger. La prise de LSD est une prise de risque et je ne souhaite à personne de tenter de reproduire l’expérience chez soi. Je n’ai pas d’ailleurs pas l’intention de réitérer cette expérience dans ma vie.

Retour en haut