Polyaddict, explorateur de nombreuses substances au cours de mes 15 années d’addictions, je n’ai jamais aimé l’alcool. Cela ne signifie pas que je n’en ai pas abusé. Lorsqu’en l’absence de toute substance, et que les conditions pour une rechute étaient remplies (solitude pour rester à l’abri du regard des autres, sécurité de l’environnement proche), j’y ai eu recours. D’ailleurs avec mon traitement médicamenteux à base de paroxétine (antidépresseur), de diazépam (anxiolytique), et d’olanzapine (antipsychotique, régulateur de l’humeur), je suis désormais tenu médicalement à une abstinence stricte. L’alcool présente pourtant bien des avantages pour un addict : il est légal, accessible facilement et produit au bout de quelque verres une ivresse forte, apte à remplir le rôle d’écran pour masquer les soucis du quotidien et les psychopathologies sous-jacentes de tout addict (dépression, anxiété…etc.).
Il y a eu une période où j’ai abusé de l’alcool. C’était en 2021, du mois de juillet au mois de septembre. Le cannabinoïde de synthèse que j’utilisais alors ne me faisait presque plus d’effet à cause d’une tolérance ou d’une mauvaise qualité du produit acheté. Je compensais donc par l’achat de bouteilles de vodka et me préparait des shots rapidement ingérés pour parvenir à l’ivresse. On peut dire que pour moi, l’alcool est, en période de rechute, une drogue de dernier recours. J’ai donc été un véritable alcoolique pendant trois mois. Sauf que l’abus d’alcool présente des effets que je ne trouve pas si agréables que cela.

En premier lieu, l’ivresse alcoolique me fait perdre le contrôle de mes pensées, de mon comportement, et décroît drastiquement mes capacités cognitives (mon intellect) auquel je suis malgré mes addictions, très attaché. Je n’ai bu que lorsque le craving était fort et que je n’avais donc rien d’autre à disposition. Mon alcool de prédilection était la vodka. La vodka, m’a confié une assistante sociale, est l’alcool de ceux qui veulent dissimuler leur alcoolisme, car son odeur est bien moins forte que celle des autres spiritueux. Pour moi c’est aussi un alcool qui me rappelle mes années passées à vivre à Oulan-Bator en Mongolie, de 2012 à 2015, pays où la vodka est la boisson nationale, très consommée et omniprésente dans tous les magasins de quartier, même au fond de la steppe. De plus, j’ai une représentation négative de l’alcoolisme qui nuirait à mon estime de moi, malgré son niveau variable et parfois imprédictible.

Je ne peux qu’imaginer la difficulté qu’ont les alcooliques à maintenir l’abstinence dans un pays où la culture valorise la production de vin comme tradition nationale. Les lobbies de l’alcool sont puissants et ont probablement un accès direct au ministère de la santé. Lorsque l’on refuse l’alcool, on est souvent regardé avec suspicion : aurions-nous un problème ? Serions-nous alcooliques ? Pourquoi ce refus qui contrevient à la tradition ? En Mongolie c’était encore pire, les années passées sous domination soviétique ont incité les mongols à substituer au lait fermenté la vodka dans de nombreux rituels d’accueil, de mariage, de fête nationale…etc. En résulte une population très alcoolisée et les maladies attribuables à l’alcool sont devenues la première source de mortalité évitable dans ce pays.

In fine, je n’aime pas l’alcool parce que je n’aime pas tant l’ivresse alcoolique que ses conséquences souvent désastreuses. Cela ne m’a pas empêché de développer des addictions à des produits aussi puissants et tout aussi dangereux. Je resterais donc abstinent en matière d’alcool pour longtemps, ce qui est heureux pour mon corps qui a déjà bien souffert de mes addictions diverses et variées.


