Psychopathologie des addictions – Pedinielli / Rouan / Bertagne

Voici un ouvrage qui permet d’approfondir l’étude des addictions, plutôt du point de vue de la clinique psychanalytique.

Référence du livre : Psychopathologie des Addictions, Jean-Louis Pedinielli, Georges Rouan, Pascale Bertagne, éd. Presses Universitaires de France, 2017

Le livre se divise en 3 chapitres : 1/ La notion d’addiction 2/ Psychopathologie des addictions 3/ Clinique des addictions. Il fait 216 pages. Les chapitres 1 et 3 déclinent leurs thématiques selon une typologie des addictions que voici : la toxicomanie, l’alcoolisme, le tabagisme, le jeu pathologique, la sexualité compulsive, la boulimie, les achats compulsifs, les tentatives de suicides répétées, les conduites à risque, l’effort physique, et les cyberaddictions. Le chapitre 2 se concentre sur les différentes approches théoriques pour aborder le sujet.

C’est une lecture accessible à tous, avec l’aide d’un dictionnaire ou d’un moteur de recherche si certains termes techniques propres au vocabulaire spécialisé vous dépasse, comme ce fut mon cas à quelques reprises. Il est vivement conseillé aux étudiants en psychologie qui visent le métier de psychologue. Il est écrit dans un style fluide, agréable à lire, et propice à la prise de notes (10 pages pour ma part). J’ai trouvé que le premier chapitre se perdait un peu dans la discussion sur la définition de l’addiction en naviguant entre les versions du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et du CIM (Classification Internationale des Maladies).

Les deux autres chapitres par contre offrent un éclairage approfondi sur la psychopathologie des addictions, c’est à dire l’ensemble des conceptions de la psychanalyse et de la psychologie clinique, sans oublier la mention (rapide) de l’approche cognitiviste. On retiendra que l’addiction est une réponse ou solution répétée du sujet qui substitue les sensations aux émotions et à la relation authentique à un Autre désirant. Elle cause de la souffrance parce qu’elle modifie le cerveau de manière à ce que le comportement addict se répète à l’infini, notamment pas la neutralisation du cortex préfrontal au profit du circuit de la récompense. Les addictions posent une véritable difficulté épistémologique et sont transversales aux structures de personnalité classiques définies en psychologie clinique (psychose, états-limites, perversions, névroses), c’est pour cela qu’il existe plusieurs théories, lesquelles se retrouvent toutes dans une même description de la pathologie. La thérapie d’inspiration analytique viserait à transformer l’addiction en symptôme qui puisse être verbalisé et traité par l’analyse du transfert, ce qui n’est pas une mince affaire et peut ne pas convenir à tous les patients.

Voici un extrait original, page 121 :

« L’interrogation de philosophes modernes pose que l’Addiction est une des voies tracées par la société libérale qui constitue une économie libidinale visant à capter la libido des individus afin d’attirer leur investissement sur des objets de la consommation génératrice de profits. Le discours capitaliste, la société libérale, reposent sur la proposition d’une multiplicité d’objets qui viendraient obturer le manque du sujet. L’objet du manque est défini comme existant : on peut le consommer, l’ingérer, s’en gaver… Cet idéal de la consommation transforme la jouissance phallique en une jouissance dans laquelle on peut faire abstraction de l’Autre. Cette exploitation de l’économie libidinale (« capitalisme pulsionnel » de Stiegler, 2007) est une composante fondamentale de notre société : la consommation se manifeste comme une revendication d’identité au niveau individuel comme au niveau social.Le « nouveau malaise dans la civilisation » auquel répondent certaines pathologies actuelles, et plus particulièrement l’Addiction, se caractérise par une valorisation de cette économie qui détruit le désir à un objet accessible et du même coup le détruit puisque le propre de cet objet est d’être infini. (Pediniellli, Bonnet, 2012). »

Ce livre se doit de figurer dans toute bonne bibliothèque qui désire disposer d’une référence solide sur l’étude des addictions.

Retour en haut