Comment un chat a sauvé ma vie

Il était tard, ce soir du printemps de l’année 2020. J’étais déjà en confinement bien avant que le covid19 ne vienne cantonner jusqu’à 3 milliards d’êtres humains chez eux par effet de panique devant le virus inconnu qui frappait alors la planète. Après une longue descente dans les affres de la dépendances aux cannabinoïdes, j’avais rompu avec mon épouse, amour de ma vie, avec qui je vivais depuis environ 10 ans. Ma raison officielle : nous avions trop de disputes. Ma raison cachée : elle représentait un obstacle à l’augmentation des temps passés à consommer des produits.

Comme souvent à cette époque, je me suis préparé à une nuit de joyeuse festivités chimiques : des blotters de LSD (petits bouts de papiers imbibés par la substance et placés sous la langue une dizaine de minutes), des cannabinoïdes de synthèse pour augmenter les effets psychédéliques du LSD et de l’alprazolam en quantité suffisante pour m’arrêter si le trip allait trop loin. Il est effectivement allé trop loin. Les cannabinoïdes étaient vapotés en cigarette électronique, une voie d’administration sans combustion, « propre » disent certains, surtout comparé au joint classique dans lequel les produits du feu libèrent dans les poumons d’innombrables quantités de résidus carbonés, germes de futurs cancers.

Le problème fut que je pris tout l’alprazolam en même temps que le LSD, ce qui m’empêchait de l’utiliser comme antidote en cas de besoin. Le LSD fut le plus fort. Les hallucinations se présentèrent comme des figures géométriques flottantes, qui m’engloutissaient ou me rejetaient de manière cyclique. Sous LSD, nous avons des idées que l’on trouve géniales, totales, universelles, cosmiques. On se retrouve soudainement projeté au Grand Tout, à invincible Réel, on tient l’infini dans la paume de la main, la volonté de puissance Nietzschéenne appliquée au corps innervé de décharges de bonheur étrange et étranger.

Le résultat de tous ces mélanges c’est que j’ai fait une chute sur mon étendage à linge en métal, évanoui. J’ai été réveillé le lendemain matin par les lèchements de mon chat, qui miaulait de peur de me voir mort. Mon chat s’appelle Zaya, c’est une belle chatte noir au pelage doux, aux grand yeux verts très expressifs. J’étais effondré sur le sol, le dos et les bras douloureux. Sans ses miaulements, qui m’aurait réveillé ce jour là ? Peut-être personne. Peut être que je serais déjà mort. Aujourd’hui Zaya ne vit plus avec moi, car au moment de mon déménagement, qui a coïncidé avec ma première période d’abstinence prolongée, je l’ai confiée aux bons et affectueux soins de mon père et de son épouse qui s’en occupent merveilleusement bien.

Ne restez pas seuls. Même un animal de compagnie peut vous sauver la vie, à condition de lui donner des conditions de vie digne et de le respecter. Le respect, c’est toujours mutuel. J’ai sauvé Zaya d’un refuge déprimant où les animaux étaient tristes et qui a brûlé depuis. Zaya m’a sauvé en retour d’un appartement déprimant où l’humain était triste et dont le feu intérieur réduisait sa vie en cendres existentielles.

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