Il m’est arrivé cette semaine une des expériences les plus traumatisantes que j’ai vécu dans ma vie. J’ai découvert dans la douleur d’une réaction de rejet physiologique totale que j’étais intolérant à la buprénorphine. Ce médicament m’a été prescrit pour traiter le manque et le craving pour mon sevrage à l’opioïde de synthèse (de type nitazène) que j’ai vapoté en cigarette électronique depuis six mois. Dans cet article, je vous soumets mon témoignage quant à un supplice, une expérience extrême de la souffrance psychique et physique, et qui laissera des traces profondes sur mon avenir et mon rapport aux médicaments en général.
Le contexte
Mardi dernier, je me suis rendu à la consultation de mon addictologue, qui m’a prescrit un traitement de buprénorphine, aussi connue sous le nom commercial de Subutex. Je devais commencer par une dose initiale de 6 mg, puis augmenter chaque jour de 2 mg en cas de besoin. La buprénorphine est un traitement de substitution aux opiacés très utilisé, et normalement bien toléré, sauf de rares exceptions comme moi. L’idée était aussi de m’aider à lutter contre le craving en général et d’instaurer un traitement de moyen terme. J’avais de grands espoirs concernant ce traitement, mais la réalité fut bien loin de tout ce que j’aurais pu imaginer.
Une semaine d’insoutenables souffrances
Après la prise sublinguale du comprimé de 6 mg le mardi, j’ai ressenti au bout d’une heure, une brusque montée des effets, qui, par leur violence, m’a rappelé les expériences de prises de LSD couplé à des cannabinoïdes de synthèse, le plaisir remplacé ici par la douleur. Je développe dès lors très vite toute une palette de symptômes aux nuances complexes et variées :
L’akathisie et la dépersonnalisation ont été les symptômes les plus choquants, avec le sentiment de mort imminente et l’anxiété. Le cumul de tous ces symptômes a créé une expérience globale insupportable qui a duré 4 jours. Le quatrième jour, je tombe en pleurs et j’active l’alerte rouge : mes parents appellent le 15, qui ne propose que de se rendre aux urgences, alors que dans cet état, l’attente aurait été physiquement impossible et le climat anxiogène des urgences aurait aggravé ma situation. On a essayé pendant 2 jours d’appeler mon addictologue et mon CSAPA, sans succès. Finalement, c’est mon médecin généraliste qui a répondu présent et m’a accueilli dans un créneau d’urgence le quatrième jour en début d’après midi. Il me prescrit alors du diazépam (nom commercial : Valium) et après en avoir pris deux comprimés, je sens une légère amélioration de mon état. J’incrémente le dosage d’un comprimé toutes les heures jusqu’à ce que l’anxiété soit réduite à un niveau supportable. C’est cela qui m’a sauvé et sorti d’une situation cauchemardesque.
Conclusion
Je ne souhaite à personne de vivre le supplice que j’ai enduré. Il ne s’agit pas pour moi de critiquer ou de culpabiliser qui ou quoi que ce soit. Les traitements de substitutions aux opiacés sont très utiles en addictologie ; et dans l’immense majorité des cas, ils présentent des effets ressentis qui sont l’inverse absolu de ce qui m’est arrivé. Personne ne pouvait anticiper que j’avais une intolérance personnelle à la buprénorphine. Ceci dit, ce médicament est une drogue très puissante et très contrôlée avec une délivrance par ordonnance sécurisée et normalement un suivi quasi quotidien du patient, ce qui ne fut pas le cas pour moi. Je ne m’en sors d’ailleurs pas sans séquelles, que j’espère temporaires. Le fait est qu’écrire cet article fut long et difficile, que ma posture et mes ressentis sont encore très fébriles, comme au sortir d’une anesthésie générale. La durée d’action de la buprénorphine (jusqu’à 5 jours) est aussi en cause. Ceci dit le diazépam m’a enlevé l’anxiété et la plupart des symptômes, mais m’affaiblit aussi beaucoup (ralentissement de mes mouvements, et de mes pensées). Il n’est pas forcément bon de remplacer un médicament par un autre, mais pour citer mon médecin traitant : il faut savoir prendre des médicaments lorsque le besoin est aussi manifeste. Je vais donc continuer le diazépam sur une dizaine de jours, avant de le diminuer progressivement. J’en profite pour remercier, malgré l’anonymat de ce blog, la réaction positive et humaniste de mon médecin généraliste, qui a pris le temps de m’écouter, de m’ausculter et de se renseigner sur ce qu’il m’arrive. Bref, plus jamais cela, jamais.
Nota Bene : J’ai fait un signalement de ma réaction à la buprénorphine sur la plateforme officielle de pharmacovigilance du ministère de la santé, en documentant ce qui m’est arrivé. Si vous rencontrez des effets secondaires vous pouvez vous aussi, pour n’importe quel médicament ou vaccin, déclarer votre situation sur le site https://signalement.social-sante.gouv.fr/ Il est important que ces expériences soient documentées pour la santé publique. Parmi les nombreuses hypothèses expliquant ce qui m’est arrivé, et à titre d’exemple, il se pourrait que l’interaction entre mon traitement de fond (antidépresseur et régulateur de l’humeur) avec la buprénorphine, ait joué un rôle dans mon expérience extrême.


