Même abstinent, je prends des médicaments. Ils sont destinés à traiter (et non guérir), mes psychopathologies sous-jacentes à l’addiction. Comme souvent, lire la liste des effets secondaires est une démarche quelque peu masochiste, à moins d’en rire. Par contre, ressentir des effets secondaires, c’est beaucoup moins drôle, et quelque peu pessimiste. J’ai eu deux traitements médicamenteux différents pour mes troubles psychiques, et je suis en train actuellement de basculer de l’un à l’autre, démarche hautement délicate et qui me fragilise pour au moins 6 semaines. Inutile de vous relire les meilleurs paragraphes du Vidal, je vais me contenter de vous décrire les effets secondaires que je ressens, et qui ne méritent pas le qualificatif de secondaires lorsqu’ils deviennent une préoccupation primaire. Voici donc le palmarès des effets secondaires du chevauchement de mes deux traitements, et qui, je l’espère de tout mon corps-esprit, ne seront que temporaires.
La somnolence
Sournoise, inopinée, dangereuse, insidieuse, lassante, démotivante, incapacitante, étouffante, inattendue, soudaine, violente… Longue serait la liste exhaustive de tous les adjectifs significatifs pour qualifier la somnolence. On ferme les yeux, sans s’en rendre compte. On se voit mentalement continuer à agir dans l’activité que nous faisions, sauf que nous l’avons en réalité arrêté. Puis les chemins divergent : soit on se réveille d’un coup, mettant fin à plusieurs minutes d’absence, soit on s’endort réellement, et c’est là qu’est le danger. Voilà pourquoi il ne faut jamais conduire lorsqu’on sait que la somnolence nous guette. Il y a quelques jours, je mangeais une pomme dans mon lit, en position quasi allongée. La somnolence est arrivée et je me suis endormi. Dans la pièce d’à côté, il y avait ma mère qui m’entendait respirer bizarrement. Arrivée dans ma chambre, elle m’aperçoit avec un gros morceau de pomme dans la bouche, dégoulinant, et endormi. J’étais lentement en train de m’étouffer. Sans son intervention, l’étouffement aurait pu aller jusqu’à son terme, la mort. Elle a du extraire elle-même le morceau de pomme de ma bouche et me donner des claques pour me réveiller.

Le caractère dangereux de la somnolence c’est qu’on ne contrôle pas le moment où elle survient. Voilà pourquoi si vous prenez des benzodiazépines, abstenez-vous de prendre le volant, car sinon vous risquez votre vie et celle des autres. La somnolence peut aussi empêcher de marcher droit et fait tituber, voire chuter, ce qui m’est arrivé plus d’une fois.
L’énurésie
On m’a prescrit du diazépam, autrement connu sous le nom de Valium. C’est un médicament qui, outre le fait de mettre fin à l’angoisse et l’anxiété, est un puissant relaxant musculaire. Or la nuit, les muscles sont déjà naturellement relâchés. Si vous ajoutez du diazépam à cela, vous obtiendrez ce qui m’est arrivé trois fois en peu de temps : l’énurésie, ou pour le dire en termes plus commun, le pipi au lit. Tout cela à cause d’une perte de contrôle du sphincter par le cerveau. Cela a donné du travail à ma machine à laver car tout était trempé d’urine : couette, drap house, couvre-lit, alèse, et même le matelas. Je dors désormais avec des couches pour adultes au format XXL, sur un amoncellement de serviettes, et sans couette. Pas très glorieux, mais étonnamment confortable, tant qu’il ne se passe rien du côté des intestins.

Bouche sèche
D’apparence peu important cet effet est pourtant très handicapant. Avec une bouche très sèche, il devient difficile d’articuler correctement. En parlant, on donne l’impression d’être ivre. Du coup, mieux vaut se taire. Des efforts considérables sont nécessaires pour parler correctement et se faire comprendre. C’est plus qu’ennuyeux, c’est vraiment malheureux, et socialement handicapant.

Un mal pour un bien ou un bien pour un mal ?
Les médicaments ont bien des effets positifs, mais ils sont dissous dans les effets négatifs. Je m’explique : l’objectif des médicaments psychotropes est de conduire une vie normale, hors une vie normale, n’est pas positive ou négative par nature, elle est pleine de hauts et de bas, avec une intensité moindre que ce que ma cyclothymie me fait vivre. Je dois donc endurer ces effets pour paraître normal, ce qui, par ces même effets, m’exclut du champ de la normalité. Bref, c’est la roue de la fortune psychique à laquelle je ne gagne pas tant que ça. Un moindre mal pour contrer un mal bien malingre.


