Compulsion de répétition et intensification des rechutes

Il y a dans le cycle de l’addiction, un retour perpétuel, une réitération du cercle – craving, rechute, consommation, sevrage, abstinence, craving. Mais dans mon cas, cette répétition au fil des ans s’accompagne d’un phénomène d’intensification des symptômes. Ainsi, désormais abstinent, je porte mon regard sur cette séquence de rechute qui a duré environ six mois, dont un passage aux urgences, de nombreux rendez-vous d’urgence chez mon médecin traitant, quatre overdoses, une semaine d’horrible et mystérieuse intolérance à la buprénorphine (peut-être un sevrage brutal ?) bref, des moments de souffrances extrêmes qui n’étaient pas présents à un tel degré dans les rechutes du passé. A chaque répétition du cycle, les choses s’aggravent et c’est là un point d’inquiétude qui fera sans nul doute objet d’introspection et de travail thérapeutique au cours de mon imminente post-cure.

Du point de vue des psychanalystes, j’illustre ce qu’on appelle la compulsion de répétition. Dans le célèbre « Vocabulaire de la psychanalyse » de J. Laplanche et J.-B. Pontalis, la compulsion de répétition est définie ainsi : « Au niveau de la psychopathologie concrète, processus incoercible et d’origine inconsciente, par lequel le sujet se place activement dans des situations pénibles, répétant ainsi des expériences anciennes sans se souvenir du prototype et avec au contraire l’impression très vive qu’il s’agit de quelque chose qui est pleinement motivé dans l’actuel » (page 86). Cela s’applique très bien à l’ensemble de mes séquences addictives depuis plus d’une décennie. Il y a bien, au prémisse de la rechute, un oubli des instances précédentes et des souffrances qu’elles ont engendré. De même, l’inconscient joue ici un rôle moteur, quoique non élucidé aisément. A cela ajoutons que l’addiction modifiant de manière plus ou moins irréversible la structure cérébrale, il semble dangereux, voire fatal, qu’une future rechute se produise, d’où l’urgence et la mobilisation personnelle à vouloir développer tous les outils pour éviter d’avoir à réemprunter ce chemin miné, où gisent les cadavres de mes années sacrifiées aux substances psychoactives.

Comprendre, dire, sublimer, c’est et ce sera déjà guérir. Mais la prise de conscience doit élargir son pouvoir en moi, car l’exprimer, aussi éloquemment que je puisse le faire, ne suffit visiblement pas à stopper la compulsion de répétition. D’où mes attentes envers la cure qui se profile à l’horizon : je compte saisir ces quatre semaines en institution pour travailler intensément sur ma guérison et initier les dispositifs psychiques qui auront fonction de prévention des rechutes à l’avenir, avenir que je souhaite long, voyageur, et créatif.

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