Disparaître : histoire d’un schéma personnel qui se répète

Face à une situation psychiquement insupportable, chacun réagira différemment, selon les schémas appris et incorporés à l’appareil psychique de son enfance jusqu’à l’âge adulte. Ces schémas sont multiples, divers, et se manifestent en tant que tel par leur répétition. Je vous propose un retour sur une figure de style existentielle personnelle dans laquelle j’excelle : la disparition, ou évitement définitif, ou fuite totale.

Chronologie de mes disparitions estudiantines et professionnelles

septembre 15, 2009

Disparition de Science Po Grenoble

La première quinzaine du mois de septembre 2008, je quitte subitement Science Po, lassé de la pression, du stress, de l’incurie des profs, de l’élitisme administratif, de la puérilité des étudiants, alors que je cumule dépression clinique et burn-out étudiant.

septembre 15, 2009
décembre 15, 2011

Disparation de la fac de psycho

Alors lancé dans le défi d’une double licence, j’abandonne, à quinze jours des examens de fin de premier semestre, la licence de psychologie en deuxième année, laissant plusieurs travaux en groupe que j’animais dans le vide de mon absence inexpliquée.
Addiction de l’époque : cannabis.

décembre 15, 2011
mars 1, 2012

Disparition de la fac d’anthropologie

C’est sans doute la plus périlleuse, au milieu du second semestre de la dernière année (L3), je quitte tous les cours, uniquement en amphi et sans contrôle de présence, pour protester contre l’absence de TD et d’encadrement. Ainsi j’envisageai alors de passer les examens sur la seule base de mes connaissances et de mes lectures personnelles.
Addiction de l’époque : cannabis.

mars 1, 2012
décembre 31, 2013

Disparition de l’Université Nationale de Mongolie

Intégré au désastreux « Mongolian Language Program » où les cours de mongol étaient enseignés en mongol, incapable de comprendre les professeurs, je quittai, malgré des frais d’inscriptions exorbitants, le cursus d’un an avant le début du second semestre, pour profiter ensuite de mon visa étudiant en toute tranquillité, et dans l’amour de ma compagne mongole d’alors.
Addiction de l’époque : codéine.

décembre 31, 2013
janvier 1, 2019

Disparition de mon poste de Chef de Projet Web

Après avoir été recruté sur la base de mon expérience de chargé de mission pour la transition numérique d’un réseau de bus, j’ai été recruté comme chez de projet web et mobile dans une filiale du groupe dont dépendait ce réseau. Soumis à un accord de confidentialité, je ne peux pas vous en dire plus si ce n’est que c’est l’interdiction de la vente libre de la codéine en pharmacie qui précipita mes trois arrêts de travail pour raisons psychiatriques ayant donné lieu à une rupture conventionnelle.
Addiction de l’époque : codéine.

janvier 1, 2019

Chronologie de mes disparitions affectives, sociales et émotionnelles

décembre 1, 2008

Disparition de ma première relation de couple

Lassé d’une relation de couple qui m’ennuyait et me faisait déprimer, je décidai de ne plus donner de nouvelles, si ce n’est par des sms télégraphiques, à ma copine d’alors, afin de lui faire comprendre que notre relation était finie. Ce n’est pas très gentil et je n’en suis pas fier.

décembre 1, 2008
octobre 20, 2012

Disparition de mon mandat d’élu d’UFR

Engagé comme militant au sein du syndicat étudiant l’Unef, alors premier syndicat étudiant de France cette année là, je disparus soudainement de mes postes d’élus étudiant au Conseil d’UFR de la faculté de sociologie et d’anthropologie, lieu ultime de la rhétorique sans fin de professeurs considérant les blocages d’université comme des expérimentations sociales. Addiction de l’époque : cannabis.

octobre 20, 2012
janvier 1, 2019

Disparition du syndicat étudiant UNEF

Promis à un bel avenir par la cooptation verticale et autoritaire de cette organisation de jeunesse aux pratiques financières et managériales douteuses, je votai aux élections internes contre la tendance majoritaire à laquelle j’appartenais et rendis ma carte, abandonnant mes camarades à leurs mines éberluées.
Addiction de l’époque : cannabis.

janvier 1, 2019
janvier 1, 2019

Disparition de mon mariage

Afin de pouvoir mieux consommer mes substances psychoactives, je disparus de mon mariage et de ses obligations légales, mettant à la porte mon épouse et tout l’argent (riche) dont elle disposait, ne demandant aucune compensation (par fierté mal placée).
Addictions de l’époque : cannabinoïdes de synthèse, benzodiazépines, LSD, Psilocybine

janvier 1, 2019

Pourquoi disparaître ?

Parce que c’est beaucoup plus facile que d’avoir à affronter la réalité d’une séparation assumée, tout simplement. Au fil du temps, mes disparitions, dont les chronologies ci dessus ne sont pas exhaustives, m’ont permis de fuir, d’éviter la difficulté, de me défaire de mes responsabilités, avec, en fond, toujours cette réalité auto-dévorante des addictions. Disparaître, c’est-à-dire cesser de paraître, c’est aussi cesser de faire semblant d’aller bien là où je vais mal. Aujourd’hui, ce schéma comportemental me semble obsolète, même si la menace de disparition ultime me traverse parfois la tête : un jour, peut-être je disparaîtrai de la vie (c’est même une certitude, n’étant pas assez fou pour croire à ma propre éternité). Ce n’est pas une option aujourd’hui, sinon à quoi bon fournir tout ce travail pour me soigner et mener une vie d’accomplissements. Mais la possibilité d’une disparition accidentelle n’est pas à exclure. Et à supposer (l’effort est important) que la mort ne serait pas qu’une fin, alors je pourrais tirer de mes expériences de disparition la résilience nécessaire pour m’adapter aux conditions de vie de l’après dans lequel je ne crois pas (mais ne sais-t-on jamais ?).

Apparaître : le nouveau défi

Désormais, je dois inverser la trajectoire de ma vie : mon ambition va être de faire des apparitions : comme écrivain un jour plus ou moins lointain, comme travailleur épanoui, quel que soit le domaine d’activité que j’aurai choisi, comme champion de ma propre existence lorsque je serais débarrassé des essences (identités réifiées) qui entravent ma route. Bref, j’ai assez disparu comme ça, il est grand temps d’apparaître au monde tel que je suis, que je deviens, que j’existerai !

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